Ethique et politique, Bertrand RUSSELL

On peut juger un principe éthique au type d'émotion qui amène à y adhérer. On observe alors qu'un très grand nombre de principes généralement admis ne sont pas aussi respectables qu'il y paraît. Un examen impartial montre souvent que, indépendamment de la validité ou invalidité du principe considéré, l'adhésion qu'il suscite s'explique par le fait qu'il offre un exutoire à des passions peu flatteuses, en particulier à la cruauté, à l'envie, et au plaisir d'éprouver un sentiment de supériorité. Si, lors d'un examen de conscience où vous découvrez que c'est ce genre de passions qui vous permet d'adhérer à tel ou tel précepte moral, vous avez là une raison tout à fait suffisante pour réexaminer vos convictions sur ce point. C'est parce que les éthiques superstitieuses ont très souvent de telles origines nuisibles qu'elles méritent d'être combattu et que l'on gagne à n'accepter que les règles morales apparemment propices au bonheur général et à rejeter toutes celles qui nous attirent parce qu'elles font le malheur de ceux que nous n'aimons pas.

Ethique et politique, Bertrand RUSSELL.