J. Baudrillard, La société de consommation, 1970
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J. Baudrillard, La société de consommation, 1970
On sait combien l’abondance des sociétés riches est liée au gaspillage, puisqu’on a pu parler de « civilisations de la poubelle », et même envisager de faire une « sociologie de la poubelle » : Dis moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es ! Mais la statistique du gâchis et du détritus n’est pas intéressante en soi : (…) on ne comprend ni le gaspillage ni ses fonctions si on n’y voit que le déchet résiduel de ce qui est fait pour être consommé et qui ne l’est pas. Encore une fois nous avons là une définition simpliste de la consommation - définition morale fondée sur l’utilité impérative des biens. Et tous nos moralistes de partir en guerre contre la dilapidation des richesses, depuis l’individu privé qui ne respecte plus cette sorte de loi morale interne à l’objet qui serait sa valeur d’usage et sa durée, qui jette des biens ou en change selon les caprices du standing ou de la mode, etc., jusqu’au gaspillage à l’échelon national ou international, et même jusqu’à un gaspillage en quelque sorte planétaire, qui serait le fait de l’espèce humaine dans son économie générale et son exploitation des richesses naturelles. Bref le gaspillage est toujours considéré comme une sorte de folie, de démence, de dysfonction de l’instinct, qui fait brûler à l’homme ses réserves et compromettre par une pratique irrationnelle ses conditions de survie.
(…) Toutes les sociétés ont toujours gaspillé, dilapidé, dépensé et consommé au-delà du strict nécessaire, pour la simple raison que c’est dans la consommation d’un excédant, d’un superflu que l’individu comme la société se sentent non seulement exister mais vivre.
La notion d’utilité, d’origine rationaliste et économiste, est donc à revoir selon une logique sociale beaucoup plus générale où le gaspillage, loin d’être un résidu irrationnel, prend une fonction positive (…) et même essentielle ; le surcroît de dépense, le superflu, l’inutilité rituelle de la « dépense pour rien » devenant le lieu de production des valeurs, des différences et du sens, tant sur le plan individuel que social. (…) « Ah ne discutez pas besoin ! Le dernier des mendiants a encore un rien de superflu dans la plus misérable chose. Réduisez la nature aux besoins de nature, et l’homme est une bête : sa vie ne vaut plus rien. Comprends-tu qu’il nous faut un rien de trop pour être ? », dit Shakespeare dans le Roi Lear.
J. Baudrillard, La société de consommation, 1970
(…) Toutes les sociétés ont toujours gaspillé, dilapidé, dépensé et consommé au-delà du strict nécessaire, pour la simple raison que c’est dans la consommation d’un excédant, d’un superflu que l’individu comme la société se sentent non seulement exister mais vivre.
La notion d’utilité, d’origine rationaliste et économiste, est donc à revoir selon une logique sociale beaucoup plus générale où le gaspillage, loin d’être un résidu irrationnel, prend une fonction positive (…) et même essentielle ; le surcroît de dépense, le superflu, l’inutilité rituelle de la « dépense pour rien » devenant le lieu de production des valeurs, des différences et du sens, tant sur le plan individuel que social. (…) « Ah ne discutez pas besoin ! Le dernier des mendiants a encore un rien de superflu dans la plus misérable chose. Réduisez la nature aux besoins de nature, et l’homme est une bête : sa vie ne vaut plus rien. Comprends-tu qu’il nous faut un rien de trop pour être ? », dit Shakespeare dans le Roi Lear.
J. Baudrillard, La société de consommation, 1970
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