berson, homo homini lupus est
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berson, homo homini lupus est
Quiconque a séjourné hors de son pays, et voulu ensuite initier ses compatriotes à ce que nous appelons une « mentalité » étrangère, a pu constater chez eux une résistance instinctive. La résistance n'est pas plus forte s'il s'agit d'un pays plus lointain. Bien au contraire, elle varierait plutôt en raison inverse de la distance. Ceux qu'on a le plus de chances de rencontrer sont ceux qu'on veut le moins connaître. La nature ne s'y fût pas prise autrement pour faire de tout étranger un ennemi virtuel. (…) Disons seulement que les deux maximes opposées Homo homini deus et Homo homini lupus se concilient aisément. Quand on formule la première, on pense à quelque compatriote. L'autre concerne les étrangers.
On comprend donc que l'humanité ne soit venue à la démocratie que fort tard (car ce furent de fausses démocraties que les cités antiques, bâties sur l'esclavage, débarrassées par cette iniquité fondamentale des plus gros et des plus angoissants problèmes). De toutes les conceptions politiques c'est en effet la plus éloignée de la nature, la seule qui transcende, en intention au moins, les conditions de la « société close ». Elle proclame la liberté, réclame l'égalité, et réconcilie ces deux soeurs ennemies en leur rappelant qu'elles sont soeurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité. Qu'on prenne de ce biais la devise républicaine, on trouvera que le troisième terme lève la contradiction si souvent signalée entre les deux autres, et que la fraternité est l'essentiel : ce qui permettrait de dire que la démocratie est d'essence évangélique, et qu'elle a pour moteur l'amour.
Amour de la famille, puis amour de la patrie, puis amour de l'humanité, on verra dans ces trois inclinations un même sentiment qui se dilate de plus en plus, pour englober un nombre croissant de personnes. Si l'on disait que l'âme ouverte embrasse l'humanité entière, on n'irait pas trop loin, on n'irait même pas assez loin, puisque son amour s'étendra aux animaux, aux plantes, à toute la nature.
Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 4ème chapitre.
On comprend donc que l'humanité ne soit venue à la démocratie que fort tard (car ce furent de fausses démocraties que les cités antiques, bâties sur l'esclavage, débarrassées par cette iniquité fondamentale des plus gros et des plus angoissants problèmes). De toutes les conceptions politiques c'est en effet la plus éloignée de la nature, la seule qui transcende, en intention au moins, les conditions de la « société close ». Elle proclame la liberté, réclame l'égalité, et réconcilie ces deux soeurs ennemies en leur rappelant qu'elles sont soeurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité. Qu'on prenne de ce biais la devise républicaine, on trouvera que le troisième terme lève la contradiction si souvent signalée entre les deux autres, et que la fraternité est l'essentiel : ce qui permettrait de dire que la démocratie est d'essence évangélique, et qu'elle a pour moteur l'amour.
Amour de la famille, puis amour de la patrie, puis amour de l'humanité, on verra dans ces trois inclinations un même sentiment qui se dilate de plus en plus, pour englober un nombre croissant de personnes. Si l'on disait que l'âme ouverte embrasse l'humanité entière, on n'irait pas trop loin, on n'irait même pas assez loin, puisque son amour s'étendra aux animaux, aux plantes, à toute la nature.
Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 4ème chapitre.
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