La philosophie avec Patrick Sorrel
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Sur la comparaison à autrui : Hobbes et Rousseau

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Message par Admin Mar 21 Nov - 18:46

La comparaison de la vie d’un homme avec une course, bien qu’elle ne puisse être soutenue point par point, tient si fort pour notre présent propos [qui est de définir le désir], qu’on peut par là à la fois voir et se rappeler toutes les passions que nous avons mentionnées. Mais nous devons supposer que cette course n’a d’autre fin, ni d’autres fleurs que de continuer ; et en cette course :

Faire l’effort, c’est l’appétit [= le désir]
Etre mou, c’est la sensualité
Considérer ceux qui sont derrière, c’est la gloire
Considérer ceux qui sont devant, c’est l’humilité
Perdre du terrain en regardant derrière, la vaine gloire
Etre retenu, la haine
Revenir en arrière, le repentir
Avoir du souffle, l’espoir
Etre las, le désespoir
Essayer de dépasser celui qui précède, l’émulation
Supplanter ou renverser, l’envie
Etre résolu à passer outre un arrêt prévu, le courage
Passer outre un arrêt imprévu, la colère
Passer aisément, la magnanimité
Perdre du terrain sur de petits obstacles, la pusillanimité
Chuter sur l’imprévu, la disposition à pleurer
Voir un autre tomber, la disposition à rire
Voir qu’est dépassé quelqu’un dont nous ne voudrions pas qu’il le fût, c’est la pitié
Voir quelqu’un dépasser quand nous ne le voudrions pas, c’est l’indignation
Se tenir près d’un autre, c’est aimer
Entraîner celui qui se tient derrière, c’est la charité
Se blesser par précipitation, c’est la honte
Etre toujours dépassé, c’est la misère
Toujours dépasser celui qui précède, c’est la félicité
Et abandonner la course, c’est mourir.

Hobbes, De Homine


Rentrons en nous-mêmes, ô mon jeune ami ! Examinons, tout intérêt personnel à part, à quoi nos penchants nous portent. Quel spectacle nous flatte le plus, celui des tourments ou celui du bonheur d’autrui ? Qu’est-ce qui nous est le plus doux à faire et nous laisse une impression plus agréable après l’avoir fait d’un acte de bienveillance ou d’un acte de méchanceté ? Pour qui vous intéressez vous sur vos théâtres ? Est-ce aux forfaits que vous prenez plaisir, est-ce à leurs auteurs punis que vous versez des larmes ? Tout nous est indifférent, disent-ils, hors notre intérêt ; et tout, au contraire, les douceurs de l’âme, de l’humanité, nous consolent dans nos peines ; et même dans nos plaisirs, nous serions tous seuls, trop misérables, si nous n’avions avec qui les partager. S’il n’y a rien de moral dans le cœur des hommes, d’où lui viennent ces transports d’admiration pour les actes héroïques, ces ravissements d’amour pour les grandes âmes ? Cet enthousiasme de la vertu, quel rapport a-t-il avec notre intérêt privé ?
(…) Nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines; car nous y voyons bien mieux l'identité de notre nature et les garants de leur attachement pour nous. Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection. L'aspect d'un homme heureux inspire aux autres moins d’amour que d'envie; on l'accuserait volontiers d'usurper un droit qu'il n'a pas en faisant un bonheur exclusif; et l'amour-propre souffre encore en nous faisant sentir que cet homme n'a nul besoin de nous. Mais qui est-ce qui ne plaint pas le malheureux qu'il voit souffrir ? Qui est-ce qui ne voudrait pas le délivrer de ses maux s'il n'en coûtait qu'un souhait pour cela?
L'imagination nous met à la place du misérable plutôt qu'à celle de l'homme heureux ; on sent que l'un de ces états nous touche de plus prés que l'autre. La pitié est douce, parce qu'en se mettant ? la place de celui qui souffre, on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui. l'envie est amère, en ce que l'aspect d'un homme heureux, loin de mettre l'envieux ? sa place, lui donne regret de n'y pas être. Il semble que l'un nous exempte des maux qu'il souffre, et que l'autre nous ôte les biens dont il jouit.

Rousseau, Emile, ou de l'éducation

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