La philosophie avec Patrick Sorrel
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Textes sur la joie : Arthur Schopenhauer et Denis Marquet

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Message par Admin Mar 21 Nov - 18:33

Nous sentons la douleur, mais non l'absence de douleur, le souci mais non l’absence de souci, la crainte mais non la sécurité. Nous ressentons le désir, comme nous ressentons la faim et la soif, mais le désir est-il rempli, aussitôt il en advient comme de ces morceaux goûtés par nous et qui cessent d'exister pour sensibilité, dès le moment ou nous les avalons. Nous remarquons douloureusement l’absence des jouissances et des joies, et nous les regrettons aussitôt ; au contraire la disparition de la douleur n’est pas immédiatement sentie, mais tout au plus y pense-t-on parce qu’on veut y penser par le moyen de la réflexion. Seules, en effet la douleur et la privation peuvent produire une impression positive, et par là se dénoncer d’elles-mêmes. Le bien-être, au contraire, n'est qu'une pure négation.
Aussi n'apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse, et la liberté, tant que nous les possédons ; pour comprendre la valeur il faut que nous les ayons perdus, car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c'est ce dont nous ne nous apercevons qu'au moment ou ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux..

Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation


Des émotions nous traversent à chaque instant, causées ou réveillées par des événements du monde. Certaines sont agréables, elles nous donnent de la joie, d’autres désagréables et nous donnent de la tristesse. La tendance naturelle est bien sûr de préférer les premières.
Or c’est là le plus subtil des pièges. Car mon rapport au monde se réduit alors à deux pauvres critères : j’aime, je n’aime pas. Si je n’aime pas, je suis malheureux. Mais si j’aime, je ne suis pas heureux pour autant car je suis inquiet de perdre. Perpétuellement tendu vers ce que j’aime et raidi contre ce que je n’aime pas, je ne suis jamais détendu ni à l’aise.
À préférer la joie à la tristesse, je ne suis jamais véritablement dans la joie. En outre, à perpétuellement chercher dans le monde des causes de joie et à fuir les causes de tristesse, je finis par ne plus regarder le réel qu’en fonction de cette opposition. Or le monde est infiniment plus riche que ce regard qui l’enferme dans la dualité du « j’aime/j’aime pas » D’avoir des préférences, je perds la grâce du monde.
Qui n’a pas vécu une fois dans sa vie un instant privilégié où soudain, sans raison apparente, l’être tout entier est envahi par une félicité sans limite ? Je ne cherche rien, je ne veux rien provoquer, je suis, durant quelques secondes, pur accueil de ce qui se donne et la joie est là !
Pourquoi perd-on la joie à chercher des causes de joie ? Parce que la joie n’a pas de causes ! Elle survient précisément lorsque je cesse de regarder le réel selon le critère de ce qui va me causer des émotions agréables ou désagréables.
La joie naît d’un regard sans critères, sans préférence : un regard vierge, innocent – féminin puisque pure réceptivité. Un rapport au monde qui laisse être les choses. Ce n’est qu’un regard gratuit sur le monde qui peut en révéler la grâce.
Ne plus préférer : cela signifie-t-il devenir indifférent ? Tout au contraire. Quitter un système de différences binaire (« j’aime/j’aime pas »), c’est entrer dans la richesse infinie des différences du monde. Regarder le réel selon le seul critère de ma préférence l’appauvrit considérablement : je ne vois plus ce qui est, mais je sélectionne dans le réel cela qui peut me faire du bien ou du mal.
Je crois m’intéresser au monde, car j’ai des préférences, mais en préférant je me rends indifférent à ce qui n’entre pas dans cette indigente dualité : agréable ou désagréable. Le reste n’est pas regardé. Qu’est-ce que regarder vraiment ? C’est s’ouvrir au réel sans schéma. Donc sans préférence. Alors le monde dans sa richesse peut commencer à m’apparaître. Et il me comble. Je l’aime.
Contempler un paysage, toucher un arbre, jouer avec un enfant : c’est lorsque je n’attends rien que tout peut m’être donné. Dès que je lâche mes préférences, je m’oublie moi-même. Car ce que j’appelle « moi », mon ego, n’est autre qu’un système de préférence sophistiqué, un mécanisme d’opposition binaire où j’enferme le réel et les autres, et dont je suis prisonnier.
Au-delà de l’opposition joie/tristesse, au-delà de la dualité « j’aime/j’aime pas », existent une joie et un amour sans cause ni contraire. Au-delà du moi, je suis joie.
Denis Marquet, Éléments de philosophie angélique

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