La philosophie avec Patrick Sorrel
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H. D. Thoreau, La Désobéissance civile (1849)

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H. D. Thoreau, La Désobéissance civile (1849) Empty H. D. Thoreau, La Désobéissance civile (1849)

Message par Admin Ven 1 Avr - 7:51

J'accepte de tout cœur la devise suivante : "le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins" et j'aimerais la voir suivie d'effet plus rapidement et plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : "le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout"; et quand les hommes y seront prêts, tel sera le genre de gouvernement qu'ils auront. Un gouvernement, au mieux, n'est qu'un expédient; mais la plupart d'entre eux sont le fruit de l'habitude, et tous les gouvernements sont quelquefois nuisibles. Les mêmes objections qu'on a opposées à une armée permanente - elles sont nombreuses et de poids et méritent de l'emporter - peuvent en dernier ressort être opposées à un gouvernement permanent. L'armée de métier n'est qu'un bras du gouvernement de métier. Ce dernier lui-même, qui n'est que le moyen choisi par un peuple pour exécuter sa volonté, est également susceptible d'être trompé et perverti avant que le peuple puisse agir par son truchement...

Après tout, la raison pratique pour laquelle, une fois le pouvoir échu aux mains du peuple, une majorité reçoit la permission de régner, et continue de la détenir pour une longue période, ce n’est pas parce qu’elle court plus de risques d’avoir raison, ni parce que cela semble plus juste à la minorité, mais parce qu’elle est physiquement la plus forte. Or le gouvernement où la majorité décide dans tous les cas ne peut se fonder sur la justice, y compris au sens restreint où l’entend l’humanité. Ne peut-il exister un gouvernement dans lequel les majorités ne décident pas virtuellement du juste et de l’injuste, mais bien plutôt la conscience ? – dans lequel les majorités ne décident que de ces questions où la règle de l’utilité est opérante ?

Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi, alors, chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c'est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste. On dit justement qu'une corporation n'a pas de conscience. Mais une corporation faite d'êtres conscienceux est une corporation douée d'une conscience !

La loi n'a jamais rendu les hommes plus justes d'un iota ; et, à cause du respect qu'ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent agents de l'injustice. Le respect indu de la loi a fréquemment ce résultat naturel qu'on voit un régiment de soldats, colonel, capitaine, caporal, simples soldats, artificiers, etc., marchant en bel ordre par monts et par vaux vers la guerre, contre leur volonté, disons même contre leur sens commun et leur conscience, ce qui complique singulièrement la marche, en vérité, et engendre des palpitations. Ils ne doutent pas que l'affaire qui les occupe soit une horreur ; ils sont tous d'une disposition paisible. Or que sont-ils devenus ? Des hommes ? Ou des petits fortins déplaçables, des magasins d'armes au service de quelque puissant sans scrupule ?

H. D. Thoreau, La Désobéissance civile (1849).

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