La philosophie avec Patrick Sorrel
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Stirner, L'unique et sa propriété

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Stirner, L'unique et sa propriété Empty Stirner, L'unique et sa propriété

Message par Admin Lun 29 Fév - 7:59

On s'efforce de distinguer la Loi de l'ordre arbitraire en disant que la première émane d'une autorité légitime. Mais toute loi qui régit des actions humaines (loi morale, loi de l'État, etc.) est l'expression d'une volonté, et, par conséquent, un ordre. Oui, si même c'était moi qui me donnais ces lois, elles ne seraient encore que des ordres que je me serais donnés et auxquels je pourrais un instant après refuser d'obéir. Chacun est libre de déclarer que telle chose lui convient, de s'interdire ensuite par une loi de faire le contraire et de considérer comme son ennemi quiconque transgresse cette loi ; mais nul n'a d'ordres à me donner, nul ne peut me prescrire ce que j'ai à faire et m'en faire une loi. Je dois bien accepter qu'il me traite en ennemi, mais jamais je ne tolérerai qu'il use de moi comme de sa créature et qu'il me fasse une règle de sa raison ou de sa déraison.
Les États ne peuvent subsister qu'à condition qu'il y ait une volonté souveraine, considérée comme traduisant la volonté individuelle. La volonté du maître est la Loi. À quoi te servent tes lois, si personne ne les suit ? tes ordres, si personne ne se les laisse imposer ? L'État ne peut renoncer à la prétention de régner sur la volonté de l'individu, de compter et de spéculer dessus. Il lui est absolument indispensable que nul n'ait de volonté propre ; celui qui en aurait une, l'État serait obligé de l'exclure (emprisonner, bannir, etc.), et si tous en avaient une, ils supprimeraient l'État. On ne peut concevoir l'État sans la domination et la servitude, car l'État doit nécessairement vouloir être le maître de tous ses membres, et cette volonté porte le nom de volonté de l'État.
Celui qui doit, pour exister, compter sur le manque de volonté des autres est tout bonnement un produit de ces autres, comme le maître est un produit du serviteur. Si la soumission venait à cesser, c'en serait fait de la domination.
Ma volonté d'individu est destructrice de l'État ; aussi la flétrit-il du nom d'indiscipline. La volonté individuelle et l'État sont des puissances ennemies, entre lesquelles aucune « paix éternelle » n'est possible. Tant que l'État se maintient, il proclame que la volonté individuelle, son irréconciliable adversaire, est déraisonnable, mauvaise, etc. Et la volonté individuelle se laisse convaincre, ce qui prouve qu'elle l'est en effet ; elle n'a pas encore pris possession d'elle-même, ni pris conscience de sa valeur ; aussi est-elle encore incomplète, malléable, etc.
Tout État est despotique, que le despote soit un, qu'il soit plusieurs, ou que (et c'est ainsi qu'on peut se représenter une république), tous étant maîtres, l'un soit le despote de l'autre. Ce dernier cas se présente, par exemple, lorsque, à la suite d'un vote, une volonté exprimée par une assemblée du peuple devient pour l'individu une loi à laquelle il doit obéissance ou à laquelle son devoir est de se conformer. Imaginez même le cas où chacun des individus composant le peuple aurait exprimé la même volonté, supposez qu'il y ait eu parfaite « unanimité » : la chose reviendrait encore au même. Ne serais-je pas lié, aujourd'hui et toujours, à ma volonté d'hier ? Ma volonté dans ce cas serait immobilisée, paralysée. Toujours cette malheureuse stabilité ! Un acte de volonté déterminé, ma création, deviendrait mon maître ! Et moi qui ai voulu, moi le créateur, je me verrais entravé dans ma course sans pouvoir rompre mes liens ? Parce que j'étais hier un fou, j'en devrais être un toute ma vie ? Ainsi donc, être l'esclave de moi-même est ce que je puis attendre de mieux — je pourrais tout aussi bien dire de pire — de ma participation à la vie de l'État. Parce que hier j'ai voulu, aujourd'hui je n'aurai plus de volonté ; maître hier, je serai aujourd'hui esclave.
Quel remède à cela ? Un seul : ne reconnaître aucun devoir, c'est-à-dire ne pas me lier et ne pas me regarder comme lié. Si je n'ai pas de devoir, je ne connais pas non plus de loi.
« Mais tout serait bien vite sens dessus dessous, si chacun pouvait faire ce qu'il veut ! Et qui vous dit que chacun pourrait tout faire ? N'êtes-vous pas là, et êtes-vous obligé de laisser tout faire ? Défendez-vous, et on ne vous fera rien ! Celui qui veut briser votre volonté est votre ennemi ; traitez-le comme tel. Si quelques millions d'autres sont derrière vous et vous soutiennent, vous êtes une puissance imposante et vous n'aurez pas grand-peine à vaincre. Mais si même, grâce à votre puissance, vous parvenez à imposer à l'adversaire, il ne vous considérera pas pour cela, à moins qu'il ne soit un pauvre sire, comme une autorité sacrée. Il ne vous doit ni respect ni hommages, bien qu'il doive se tenir sur ses gardes en mesurant votre puissance.

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